L'Orient Le Jour
Les champs multiples de Mimosa el-Arawi
Son 3e opus, « Nawwara », vient de naître après huit longues années de gestation. L’artiste pluridisciplinaire y met son concentré de vie en mots et en images.
Elle est née un mois de mai et sa maman, qui avait l’habitude de fleurir la maison de mimosas, lui a donné le nom de cette fleur. Elle dit qu’il lui va comme un gant et qu’elle est redevable à sa mère d’avoir permis que sa vie soit associée à ce mimosa, qui pousse également au printemps. « Cette fleur est de couleur pâle comme moi, dit-elle, mais également éphémère, car je m’enflamme parfois très vite pour m’éteindre aussitôt. »Mais qui est Mimosa el-Arawi qui a passé toute sa vie à se dédier à l’art sans faire de bruit ? Est-elle peintre ? Dessinatrice ? Poète ou écrivaine ? Il lui arrive de se le demander elle-même. Car elle est une combinaison de tout. Un alliage de toutes ces images qui peuplent son esprit, de tous ces mots qui s’enfilent sur l’écriture et deviennent, avec le temps, des images. De cette écriture qui épouse le dessin et de ces traits qui se mélangent aux lignes et aux courbes pour devenir le fabuleux univers de cette éternelle amoureuse. « Oui, je suis en général une femme amoureuse, dit-elle encore. Voire dans un état amoureux perpétuel : des hommes, des projets qui voient ou ne voient pas le jour, des beaux textes, de la belle musique. Qu’importe ? » Son livre, Nawwara, fait référence à sa propre vie. Cette fille de 13 ans qui vit une aventure fabuleuse et fantastique est un peu elle. À la recherche de cette belle langue enfouie tel un trésor, Mimosa el-Arawi est partie elle aussi en quête de la langue arabe qui ne l’avait pas du tout adoptée au début. Elles ont appris à s’aimer, à se dompter et, finalement, à s’enlacer. En effet, de ses années d’école, l’artiste se souvient de cette crainte qui l’étreignait à la vue de ses instituteurs d’arabe. Plus tard, elle choisit la discipline communication arts à l’université rien que pour triompher de sa timidité. « C’est mon père qui m’y a encouragée en me disant que je n’étais pas assez combative pour rentrer dans le milieu des beaux-arts. » Ce qui la rendra encore plus forte par la suite – et assez bizarrement, peut-être – c’est, avoue-t-elle, Facebook, cette plate-forme dont certains se plaignent à présent, et qui a été, en quelque sorte, salvatrice pour l’artiste. « De nature timide, j’ai réussi à lui confier toutes mes œuvres, mes pensées. »Plus tard, travaillant au sein de la Future TV, elle réalise ses propres émissions culturelles. Mais pour l’artiste dont l’imagination galope dans tous les sens, ce sera sans hésitation de A à Z qu’elle se consacre entièrement à ce choix. Il fallait s’occuper de l’écriture, du montage ainsi que de la présentation afin d’allier le fond et la forme à sa façon. L’histoire d’une couleur est son émission fétiche qu’elle présente durant deux ans, en parlant de tout ce qui a rapport aux teintes colorées esthétiquement, philosophiquement et littérairement. C’est un beau projet et Mimosa el-Arawi s’y attèle toujours avec la passion qu’on lui connaît. Mais elle ne s’arrête pas là, elle enchaîne des expositions parfois interrompues par des guerres et des incidents, mais aussi des livres (Nawwara est le troisième). Rédactrice également au journal an-Nahar dans les années 90, elle est adoubée par Ounsi el-Hajj. Plus tard, c’est au journal al-Arab qu’elle affine encore plus son écriture et se lance dans des pérégrinations artistiques nouvelles.
L’aventure attire toujours Mimosa el-Arawi qui ne craint plus rien à présent. Ses expériences personnelles, ses déceptions, ses douleurs – nombreuses –, elle les digère à sa façon et en fait sa philosophie. Toujours anxieuse mais alerte, elle est constamment prête à « jeter de l’essence sur le feu », dit-elle. Par ailleurs, sa curiosité l’amène à s’embarquer dans différentes explorations artistiques pourvu qu’elles soient toutes authentiques et sincères. « Je déteste l’hypocrisie et le mensonge. Je suis trop transparente pour supporter les double-face. » Persévérante et curieuse de tout, Mimosa el-Arawi veut aller plus loin.
Nawwara, bientôt en librairie, lui a donné des ailes. Réalisé et conçu par Mida Freiji Makdessi, il a été édité par Dar el-Rimal. C’est d’abord un livre en hommage à la langue arabe qu’il ne faut pas sous-estimer, car elle est certainement, et selon l’artiste, la langue du futur. Mais c’est aussi un ouvrage très visuel derrière lequel se profile, peut-être, un film ? Mimosa el-Arawi n’en soufflera pas mot, mais elle n’en pense certainement pas moins.
1966
Naissance en mai
1979
Année de la mort de mon premier copain : quand l’amour étreint la mort.
1982
J’avais envie de bouffer la vie. J’avais des rêves en brassées.
1992
Cette année, j’ai cru que la guerre était finie. Et puis ce fut
la déception.
Les années 90
Quand Ounsi el-Hajj m’a adoubée au « Nahar ». J’en étais très fière.
2006
Une autre déception pour moi, la guerre qui a mis fin à tous mes projets.
2018
« Nawwara » voit le jour après huit ans de travail.
Colette KHALAF | OLJ